Genève, un projet territorial urbain transfrontalier Avril 2005
Groupe Genève cinq cents mètres de ville en plus (04/2005): Philippe Brun architecte, Marika Bakonyi-Moeschler biologiste, Louis Cornut architecte, Jean-Noël DuPasquier économiste, Jan Doret architecte, Zied El Ouar étudiant en architecture, Christa Hirschi architecte, Daniel Marco architecte, Ewa Mariéthoz biologiste, Cyrus Mechkat architecte, Rose-Marie Meichtry économiste, Pierre Milleret ingénieur, Théodore Necker architecte, Raymond Schaffert urbaniste 1. Situation. L'ancienne et la nouvelle Genève Pour comprendre la situation actuelle de la ville de Genève, la ville la vraie pas la commune, et les problèmes auxquels elle est confrontée, comprendre pour maîtriser, il faut adopter une proposition préalable sur son développement urbain. La conjugaison de nombreux facteurs économiques, sociaux, politiques, etc. provoque une urbanisation du territoire dans la cuvette genevoise qui saute par-dessus la zone dite agricole, objet d'une protection rigoriste, pour s'implanter par segments sur le sol des départements français de l'Ain et de la Haute-Savoie, le long de la frontière franco-suisse, jusque dans le canton de Vaud. Et, si l'on tient compte dans les communes françaises limitrophes situées à la proximité du périmètre frontalier, de l'existence de nombreuses zones d'urbanisation différées, il y a là un grand potentiel de terrains à bâtir pour terminer une couronne urbaine dense. Ce phénomène urbain fait apparaître une nouvelle Genève qui entoure l'ancienne formée des tissus médiévaux, du XIXe siècle et des années `60, confinée dans ses nouvelles murailles vertes. Une nouvelle Genève, qui s'étend et recule les limites du cadre bâti vers Douvaine (74), le pied du Salève et Saint-Julien en Genevois (74), le pied du Jura, Gex et Divonne (01), ainsi que vers Nyon (VD). On peut observer là une aire où se développe une ville pour laquelle il est urgent d'établir un projet territorial. Ce phénomène urbain, pose aussi la question de l'avenir de la zone dite agricole. Celle-ci, enchâssée dans les deux Genève, forme ainsi une réserve pour créer d'importants parcs urbains futurs. Il faut donc tenir compte de cette nouvelle Genève lorsque l'on veut traiter d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Mais il y a plus. Les multiples facettes de cette situation font apparaître de très nombreuses questions qui, à partir de problèmes urbains de base - formes et programmes, contenus et contenants du territoire - débouchent sur des interrogations qui relèvent d'un ordre plus global. Un ordre qui n'est pas étranger à l'état du monde en général et à la construction de l'Europe en particulier. Genève s'installe ainsi dans les problématiques du présent, notamment dans celles qui concernent les identités frontalières, à un moment de l'histoire où les identités crispées, les Etats-nations, les souverainetés idéologiques s'évaporent progressivement, dans un monde où la pensée relationnelle se substitue aux vérités dures comme fer, où les références bivalentes perdent leur valeur, ni ceci ni cela, ni noir ni blanc, ... ni français ni suisse, et où parallèlement, les temporalités et les territorialités du mélange prennent le devant de la scène. Cette nouvelle Genève qui se forme et se développe est un signe, un appel à ce qu'elle forme avec l' ancienne Genève, une ville hybride, où toutes les formes positives de l'hybridité peuvent être reconnues, utilisées et développées. Genève est une ville qui s'est développée au fil du temps de manière continue. Compte tenu des contingences économiques et politiques, ce développement s'est opéré de manière intensive intra-muros : démolition – reconstruction, surélévation, changement d'affectation... et extensive extra-muros : constructions sur de nouveaux territoires non-bâtis, principalement agricoles. Ce double mouvement entretient une relation dialectique entre centre et circonférence de sorte que les changements successifs de nature, de forme et d'échelle de la ville font que celle-ci traverse l'histoire en conservant sa cohérence et son identité. Ainsi la ville médiévale, enserrée dans ses fortifications, a crû essentiellement par des surélévations, notamment lors de la Réforme. Puis, du milieu du XIXe siècle, une première extension, construite sur l'emplacement des anciennes fortifications, a permis à la ville la réalisation de nouveaux quartiers. Au-delà de ce territoire, la ville a continué son développement sur les trois communes adjacentes, Plainpalais, Eaux-Vives, Petit-Saconnex, dont la fusion, pour constituer la commune de Genève, est intervenue en 1930. Toutefois Carouge, qui faisait partie du même train, a refusé lors de la votation populaire, son adhésion à la nouvelle entité. À noter qu'après cette date, plus aucune initiative politique digne de ce nom n'a été prise pour faire coïncider la notion de ville à son territoire politique effectif. Après la période de crise des années '30 commence la longue phase du Miracle helvétique 1937-87 qui va se traduire par une profonde mutation de la ville, caractérisée par la reprise du double mouvement d'implosion intra-muros et d'explosion extra-muros. Ainsi, parallèlement aux transformations radicales de la cité, plusieurs cités-satellites et grands-ensembles verront le jour sur les communes de Meyrin, Vernier, Onex et Lancy notamment. Cette ville des années '60, de la haute conjoncture, va subir de front les crises pétrolières, la montée des protectionnismes à tendance environnementale, telle que la protection de la zone agricole, et le développement des égoïsmes de proximité. La référence idéologique est alors la notion de « construire la ville en ville ». Cette période verra le centre se surdensifier, tant par d'importantes transformations et surélévations d'immeubles existants que par réalisations immobilières spéculatives de friches industrielles. Parallèlement à ce repli émerge un phénomène que la plupart des responsables impliqués dans l'aménagement du territoire se refusent de constater : la ville dépasse les limites nationales pour se développer au delà des frontières. Ainsi, la nouvelle Genève prend forme de façon extrêmement rapide et dynamique. On y retrouve un grand nombre d'affectations et d'activités qui ne trouvent pas place sur le territoire genevois. Ce sont particulièrement des centres commerciaux, des hôtels de catégorie moyenne, des centres de divertissements et de loisirs, des résidences secondaires, et de l'habitat pavillonnaire. La nouvelle Genève constitue bien une partie de cette ville en mouvement et s'étend comme à d'autres époques l'a fait l'ancienne, par exemple lors de la démolition des anciennes fortifications ou lors de la construction des cités-satellites et des grands ensembles qui ont constitué des phases essentielles de son développement. 2. Prémisses du projet 2.1. Activités du CRFG (Comité régional franco genevois) Il n'est peut-être pas inutile de rappeler quelques dates importantes de la collaboration transfrontalière. En 1992 : le peuple suisse refuse l'entrée du pays dans l'Espace économique européen; c'est à cette époque que le CRFG accroît ses activités et publie un livre Blanc en 1993. Celui-ci a permis d'énoncer de façon précise les grands problèmes auxquels nous devons faire face. De ces investigations sont nées une vue d'ensemble des problèmes transfrontaliers et différentes pistes d'actions. Citons notamment trois études thématiques, l'une relative aux relations entre polarités urbaines, une deuxième sur les espaces ruraux et les milieux naturels et une troisième traitant les transports en interaction avec l'aménagement. Ces démarches ont permis d'élaborer un projet d'aménagement concerté du territoire notamment grâce à un travail remarquable de Sophie Lin du Département de l'aménagement de l'équipement et du logement du canton de Genève (DAEL) et de Jean-Jacques Faure de la Préfecture de la région Rhône-Alpes. Après une large consultation auprès des autorités locales et acteurs régionaux, le CRFG publie en 1997 la Charte d'aménagement de l'agglomération transfrontalière franco–valdo–genevoise, qui comporte dix projets transfrontaliers, dont trois pôles : Rectangle d'or, Etoile d'Annemasse et Porte sud de Genève. Ce choix a été fait suite au colloque du CRFG de 1993 au CERN, après le débat sur un projet global d'aménagement proposé dans le document « orientation » pour l'aménagement du territoire franco-valdo-genevois, Direction de l'aménagement du département des travaux publics, juillet 1993. Les partenaires français ont écarté cette proposition au profit de celle ne retenant que des projets ponctuels sortant ainsi de la Charte, entre autre, le domaine du logement qui constitue l'essentiel de l'occupation du sol avec les autres affectations contenues dans les POS. Soulignons que lors des Assises de 1991 de l'Association franco-valdo-genevoise pour le développement des relations interrégionales (AGEDRI), l'INTERASSAR (aujourd'hui FAI), qui est une association d'architectes genevois avait déjà présenté un plan de développement multi-polaire du bassin franco–valdo–genevois. 2.2. Plan directeur cantonal genevois Le plan directeur cantonal genevois (voir figure 1) a été accepté par le Grand Conseil en juin 2000. Il est établi pour une période de quinze ans, soit jusqu'en 2015.
Figure 1 - Le plan directeur
cantonal genevois Il est le résultat d'une large consultation et notamment analysé par la Commission cantonale de l'aménagement du territoire (CAT) composé d'une soixantaine de personnes, issues de nombreux milieux. Le plan directeur sur le territoire cantonal prend en compte l'ensemble des domaines, toutefois sur les territoires français et vaudois, la problématique du logement est exclue ; elle se limite donc à s'accrocher sur la frontière en trois pôles reprenant ainsi les pôles de développement transfrontalier, prévus dans la charte d'aménagement de l'agglomération transfrontalière franco–valdo–genevoise. Dans le cadre du CRFG, le DAEL a consulté les élus français sur les objectifs et le contenu de ce plan. C'est la première fois que le plan directeur genevois est soumis à une consultation des autorités françaises, qui ont apprécié cette démarche et n'ont pas manqué de faire leurs remarques. Il s'agit ainsi d'une petite révolution culturelle qu'il convient de souligner. 2.3. Plan d'affectation de la région D'autre part, il est aussi intéressant d'examiner le plan d'affectation des zones de construction établi pour l'ensemble de la région (voir figure 2). Les zones d'habitation sont indiquées en rouge foncé pour les zones denses et en rouge clair pour les zones à densité modérée. Les zones d'activité sont en violet. Figure 2 - Plan d'affectation de la région Le constat est frappant : la couronne française, dont l'essentiel n'est pas pris en compte dans le plan directeur, se développe pour elle-même, séparée de l'agglomération genevoise par une vaste zone agricole. Cette couronne laisse aussi une possibilité importante de construire. Il est intéressant aussi de voir qu'une cité quasi linéaire s'est réalisée au pied du Jura. Aujourd'hui la pression foncière que nous avons connue dans les années '60 sur les communes genevoises urbaines, comme Lancy, Onex, Vernier et Meyrin, se reporte au-delà de la zone agricole, sur la couronne française avec toutes les conséquences que l'on connaît. Rappelons aussi la création à cette époque d'un fonds d'équipement communal prenant en charge les intérêts des dettes communales dues à leurs lourds investissements. Ce fonds existe encore aujourd'hui. 2.4. Safari urbain Notre groupe « Genève cinq cents mètres de ville en plus » utilise le safari urbain comme instrument de projet (voir 3.1.). Des membres de l'AGEDRI ont donc eu l'occasion d'effectuer un safari urbain, c'est-à-dire de faire en car le tour de la couronne française en longeant la frontière (voir figure 3). Figure 3 - Le parcours du safari urbain Le parcours est plein de découvertes, bonnes et moins bonnes. Les principaux constats sont les suivants : - Nous vivons dans une seule et même agglomération. Au sommet du Salève, la vérité éclate à nos yeux ! - Un mitage impressionnant du territoire, notamment au pied du Salève. - Une organisation pour le moins chaotique des zones de construction, notamment dans le Pays de Gex. - La frontière sépare à certains endroits (Mon Idée, St-Julien) des zones maraîchères côté Suisse et des immeubles côté France. En conclusion, chacun construit de son côté sans se préoccuper de ce que fait le voisin. 2.5. Inverser les flèches du développement Une motion a été proposée au Grand Conseil demandant le déclassement d'un pour cent de la zone agricole, ce qui devrait permettre la construction de dix mille logements. Notre première réaction : oublions la frontière et tenons compte dans le choix d'un déclassement de la zone agricole, du bâti français et de la possibilité d'intégrer ainsi les nouvelles constructions côté Suisse aux logements construits en France. Pourquoi faut-il toujours que la ville se développe du centre vers l'extérieur en forme d'étoile, style Napoléon ? Puisque la couronne française existe, ne devrait-on pas inverser les flèches du développement et faire déborder les constructions françaises en direction de la Suisse, là où l'on passe brusquement d'un champ de salades à des quartiers urbanisés en France (voir figure 4). Figure 4 - Le dessin initial du projet Nous souhaitons donc simplement que cette proposition soit examinée d'une manière approfondie lorsque nos députés prendront une décision quant aux déclassements possibles de zones agricoles. 2.6. Projet territorial urbain transfrontalier L'idée d'inverser les flèches du développement a trouvé un écho favorable et même enthousiaste auprès de certains élus français. Un long travail de recherches, de réflexion et d'études est en cours, afin de proposer un projet territorial transfrontalier. Deux remarques en guise de conclusion à cette introduction : - C'est un projet exploratoire; il se veut avant toute chose une contribution à la réflexion que doivent mener nos autorités des deux côtés de la frontière. - Nous constatons à la fois que les contrats globaux de développement Rhône-Alpin du Genevois Haut-Savoyard et du Pays-de-Gex et de Bellegarde sont en phase de réalisation et que le projet d'agglomération lui, se met en route. Il s'agit donc d'une opportunité exceptionnelle qui s'offre à nous aujourd'hui de mettre en commun nos idées et notre volonté de gérer ensemble le territoire situé de part et d'autre de la frontière. 3. Genève, un projet territorial urbain transfrontalier Projet du Groupe «Genève, cinq cents mètres de ville en plus» avec la collaboration de l'AGEDRI 3.1. Le safari urbain comme instrument de projet Un des instruments privilégiés de projet a été le safari urbain. (voir figure 3) Le safari urbain, safari : «bon voyage» en swahili, est une approche de la ville autre que celle pratiquée au travers des plans, cartes, photographies, vidéos, films, dessins, récits, statistiques, etc.. Le safari urbain s'effectue de manière collective, critique et alternative. Collective : en un seul groupe ; critique : utilisation des armes de la critique et de la critique des armes ; alternative : propositions et contre propositions. Il est une expérience de lecture du territoire qui doit servir à sa compréhension, sa maîtrise et sa transformation, permettant un projet territorial pour la ville (dessin et écriture). Ici le projet territorial est considéré : a) en tant que projet de la forme du territoire à grande échelle dans la maîtrise des relations formes-activités. b) en tant qu'intervention pour modifier un territoire créé par l'histoire et qui utilise celle-ci comme instrument. c) en tant que pièce essentielle du procès de territorialisation-déterritorialisation-reterritorialisation défini par Claude Raffestin. d) en tant qu'outil spécifique qui permet de construire les problèmes, de mettre en évidence les questions. Ce n'est pas un outil qui vient à la suite de la découverte et du recensement de besoins qui doivent êtres traduits dans l'espace. e) en tant qu'instrument d'exploration et de recherche. Le but du projet territorial urbain transfrontalier est d'intégrer l'ancienne et la nouvelle Genève. Il s'agit notamment d'ordonner, par un projet global et commun les entités publiques et semi-publiques concernées, en France dans les départements de la Haute-Savoie et de l'Ain, en Suisse dans les cantons de Genève et Vaud, afin de maîtriser, consolider l'ordinaire de la ville, habitat et travail. C'est depuis la nouvelle Genève en cours de formation vers l'ancienne qu'il se développe. (voir figure 4) « ... Est-ce que je vois les choses telles qu'elles sont ? Avec le fantasme d'attendrir le centre à partir de la périphérie » Peter Sloterdijk in « Ni le soleil ni la mort. Jeu de piste sous la forme de dialogue avec Hans-Jurgen Heinrich » éditions Jean-Jacques Pauvert. Paris 2002. Il cite un vers d'un poème d'Henri Michaux : « Je ne suis en effet devenu dur que par lamelles Si l'on savait comme je suis resté moelleux au fond » in « Œuvres complètes ». Bibliothèque de la Pléiade, tome I éditions Gallimard Paris 1998. C'est un projet de réforme et d'amélioration de l'espace et du temps dans une ville. Il ne s'agit pas de projeter une région, fut-elle à géométrie variable, autour de l'ancienne Genève, ni d'intervenir pour organiser un bassin autour de celle-ci. La longue absence historique d'un hinterland autour de la ville de Genève a non seulement créé une situation difficilement réversible, mais aussi une caractéristique qu'il faut apprécier et respecter tant ses aspects positifs sont nombreux, importants et intéressants. La carte intitulée « Formation du territoire genevois » (figure 5) montre bien le collage de terres qui a conduit au canton de Genève actuel. Figure 5 - La formation du territoire genevois 3.2. Situation de la Suisse C'est aussi un projet qui prend en compte la situation économique et sociale de la Suisse et de sa traduction sur le territoire. Situation dans laquelle Genève ancienne et nouvelle tend a être de plus en plus isolée (voir figure 6). Figure 6 - Carte de la péréquation fiscale entre les cantons suisses « On assiste à une immense concentration des entreprises et des populations, issue d'une course à la centralité inhérente au nouveau modèle de développement. Elle entraîne une population croissante autour des rares grandes villes du pays et redessine la carte des zones dépendantes, alors que la carte politique est immuable. En effet, cantons et communes restent maîtres et maîtresses d'une évolution improbable... » « Un des faits marquants de cette tendance est la continuité de la dépression économique et sociale mise en évidence notamment par la péréquation financière intercantonale, ancienne et nouvelle formules confondues. Celle-ci a pris racine au centre de la Suisse, dans les cantons du Jura, de Neuchâtel, Berne, Fribourg et du Valais. (Une) dépression qu'aurait dû freiner l'Expo 2002 dans le Mitteland. Mais celle-ci s'est soldée par un échec. Ainsi, le pays se trouve coupé en deux aujourd'hui : une partie au nord-est – Zurich et la zone qu'elle polarise, dans laquelle on peut compter la ville de Bâle – et une autre au sud-ouest – Genève et le canton de Vaud - accolée à des partenaires cantonaux traditionnels désormais affaiblis. Ce sont donc les bases historiques et culturelles de l'aménagement du territoire national qui se délitent et se désagrègent, celles-ci s'appuyant sur un credo politique naïf en une égalité confédérale et indestructible. » « Dans le même temps, on assiste dans le monde politique à un repli des idées sur la ville et une raréfaction des propositions les concernant. Les problèmes liés à l'espace se confinent le plus souvent à l'environnement, à la protection de la nature de la faune et des sites, alors que le nombre d'habitants des villes ne cesse de croître. » Mouvement « Un projet pour les villes » novembre 2004. Enfin c'est un projet qui comme tout projet fait appel à des théories, des modèles, des références : 3.3. La cité linéaire (Ciudad lineal) de Madrid 1882-1913 Arturo Soria y Mata 1844-1920 « Une seule rue de cinq cents mètres de large et de longueur illimitée, dont les extrémités peuvent être Cadix et Saint-Pétersbourg ou Pékin et Bruxelles, telle sera la ville de l'avenir. » « Mettez-vous au centre de cet immense réseau de chemins de fer, de tramways, de canalisations d'eau, de gaz et d'électricité, de bassins, de jardins et, de part en part, de petits bâtiments destinés aux divers services municipaux – incendie, propreté, santé, sécurité et autres services – et, presque d'un seul coup, tous les problèmes complexes engendrés par la vie urbaine des grandes villes seront résolus. » « Si l'on suppose que les voies ferrées, équivalentes aux chaussées et trottoirs d'aujourd'hui, transportent gratuitement ou presque tous les citadins, notre projet de ville allie alors aux conditions d'hygiène de vie à la campagne tous les avantages des grandes capitales et d'autres encore. » « Dès le début, Arturo Soria y Mata fonda sa réflexion sur trois aspects : il fallait concevoir les noyaux urbains en liaison avec les axes de transports, les deux étant indissociables ; la viabilité devait définir uniquement les axes principaux et éviter la spéculation foncière ; il était nécessaire de regrouper les quartiers ou les secteurs après avoir étudié leur situation et l'usage qui leur était attribué. » « En 1884 débutèrent à Madrid les travaux de la Cité linéaire : au début, celle-ci devait se développer de part et d'autre d'une voie ferrée de 48 kilomètres de long entourant la ville, à laquelle elle serait connectée par un chemin de fer souterrain qui permettrait rapidement les zones de la ville en croissance illimitée. » « Pour des raisons économiques, la réalisation fut moins ambitieuse que prévue – des 48 kilomètres projetés, seuls 5 kilomètres furent construits – un second tronçon fut envisagé mais il ne fut pas réalisé et le projet se limita à l'achat des terrains en 1908. » Extrait de « La ville, art et architecture en Europe 1870 – 1993 » sous la direction de Jean Dethier et Alain Guiheux. Ouvrage publié à l'occasion de l'exposition présentée du 10 février au 9 mai 1994 dans la grande galerie du Centre Georges Pompidou. Carlo Sambrico « Arturo Soria y Mata 1844-1920 La Cité linéaire » pp 162-163. Voir figure 7. Figure 7 - La Cité linéaire de Madrid, 1882-1913 3.4. La cité linéaire du Centenaire à Santiago du Chili 1912. Carlos Carjaval Miranda « Actuellement on fait autour de la capitale un grand chambardement des deux côtés de l'avenue de circonvolution qui portera le nom d'avenue du Centenaire en commémoration des premiers cent ans de l'indépendance du Chili. Dans ce grand chambardement Carvajal applique les principes fondamentaux de la Cité linéaire espagnole. » « L'avenue du Centenaire deviendra une grande artère de 60 mètres de largeur avec une double-voie de tramways électriques en communication avec le centre de la ville, de larges routes correctement pavées, de larges et confortables trottoirs et avec des plantations variées, arbres, grands arbustes et fleurs. » Extrait (traduit de l'espagnol) de la revue « Ciudad lineal » n° 500 Madrid 1912 pp 369-372. 3.5 La revue « Ciudad lineal » La revue « Ciudad lineal » est une revue d'une longévité remarquable. Créée à la fin du dix-neuvième siècle par Arturo Soria y Mata elle existait encore en 1926 et publiait son numéro 776 le 10 février. 3.6. Le plan directeur régional de Genève 1936 Maurice Braillard 1879-1965 Albert Bodmer « De 1933 à 1936, Maurice Braillard, - chef du Département des travaux publics -, Albert Bodmer, - directeur du Service d'urbanisme -, et leurs collaborateurs mettent au point plusieurs plans directeurs : le plan directeur des artères en 1934, le plan directeur de la ville en 1935, le plan directeur régional en 1936. Ces divers plans sont élaborés quasi simultanément, de sorte que le contenu de l'un éclaire la compréhension de l'autre. » « Ces plans directeurs sont des outils pour définir les étapes qui assureront un développement rationnel de l'agglomération genevoise. » « Le plan directeur régional de 1936 propose une innovation extraordinaire en attribuant, en plus des surfaces réservées à l'agriculture, des surfaces publiques ou sites à classer. En distinguant ces trois types de surfaces, c'est l'ensemble du patrimoine naturel du canton qui est mis en valeur. Cette conception pionnière de l'importance de l'environnement naturel a bien sûr à voir avec les théories sur les cités-jardins, mais elle prend peut-être à Genève un accent particulier car l'exiguïté du pays genevois et la tradition culturelle (...) (Les) grands botanistes genevois, font chanter ce paysage. » Voir figure 8. Figure 8 - Plan directeur M. Braillard, 1936 Extrait de « 1896 – 2001 Projet d'urbanisme pour Genève » Centre de recherche pour la rénovation urbaine, Institut d'architecture de l'Université de Genève. Département de l'aménagement de l'équipement et du logement. Georg éditeur. 3.7. Projet d'extension urbaine pour Genève 1990 Groupe « Genève cinq cents mètres de ville en plus » « En 1990, une quinzaine de personnes, en majorité architectes-urbanistes, publient un projet global, permanent, alternatif et structurant qui systématise les expériences menées par les mouvements associatifs et syndicaux ainsi que par les associations de quartier pour l'urbanisation de Genève. » « Ils désirent conjuguer la croissance économique – un emploi = un logement – avec l'art de vivre citadin et l'écologie. » « Ce projet alternatif non seulement s'oppose aux principes du plan directeur cantonal de 1989, mais en plus présente une cinquantaine de contre-propositions pour des lieux sujets à discussions, comme l'îlot 13, la pointe de la Jonction ou encore le stade des Charmilles. » « Le groupe à l'initiative de ce projet tient à démontrer que l'aménagement du territoire n'est que l'écho des choix des modes de production, (...) considère que le zoning, qui distingue les espaces (...) est la réplique dans la cité de l'organisation du travail (...). » « Et ce zoning est aussi en crise. Cette tentative de réorienter l'aménagement du territoire à Genève, transmise au Conseil d'Etat et présentée aux partis politiques, est abondamment commentée dans la presse. » « (...) (A relever : une) ceinture-est emprunte le nouveau pont de trois kilomètres qui – du chemin de l'Impératrice à la colline au-dessus de Genève-Plage – traverse le Petit-Lac à une hauteur de 45 mètres environ. Doté d'un large tablier pour permettre la circulation des voitures et du RER – voire d'un TGV – son but premier est de relier les deux quartiers riverains et, seulement dans un deuxième temps, de délester d'une partie de leur trafic les ponts aval. » Extrait de « 1896 – 2001 Projet d'urbanisme pour Genève » Centre de recherche pour la rénovation urbaine, Institut d'architecture de l'Université de Genève. Département de l'aménagement de l'équipement et du logement. Georg éditeur. Voir figure 9. Figure 9 - Le projet d'extension urbaine pour Genève, 1990 3.8 Quartier de Spangen à Rotterdam Michiel Brinkman 1873-1925. Le quartier de Spangen (voir figure 10) est situé dans le polder éponyme dont le plan provient d'une forme schématique projetée par J. de Jonge en 1903. « Michiel Brinkman est l'un des leaders du mouvement théosophique hollandais. Il envisage des dispositifs ouvrant la périphérie de l'îlot, prévoyant des places de rencontres et créant une seconde rue sous la forme d'une coursive pouvant rassembler les habitants. « Pour les théosophes, ces dispositifs donnent à chacun des occasions de se révéler et d'être exposé aux autres. Ce qu'ils considèrent comme une précondition de la fraternité. » Extrait (traduit de l'anglais) de « Abstraction and theosophy : social housing in Rotterdam, the Netherland ». Kem Lamla. University of North Carolina at Charlotte 1998.
Figure 10 - Le quartier de
Spangen à Rotterdam, 1918
3.9. Les tramways de la région parisienne En 1992, le tramway fait son grand retour dans la région parisienne avec la mise en service de la première ligne T1 de Bobigny à la Courneuve, puis à Saint-Denis. En 1997, c'est au tour de la ligne T2 La Défense – Issy la Plaine d'être mise en service à la différence près que cette ligne circule intégralement sur la ligne SNCF. Le projet de Tram des Maréchaux Sud (TMS) est bien avancé, la mise en service de celui-ci est prévue pour 2006. La T1 et la T2 font partie du projet « grand tram » qui vise à mettre en place une ligne périphérique complète à l'horizon 2015. 3.10. Projet pour Rimini 1970-72 Giancarlo de Carlo 1919 Dans le plan pour Rimini le réaménagement du centre, voulu en tant que dépassement du zoning, est proposé à partir d'un choix avant-gardiste du moyen de transport public : un monorail et un réseau de « condensateurs » des bâtiments-charnières d'interfaces disposés de façon stratégique. Extrait (traduit de l'italien) d'une biographie de Giancarlo de Carlo publiée par l'Université IAUV de Venise. 4. Ville et réseaux Le développement de la ville au-delà des frontières sur l'ensemble du bassin franco-valdo-genevois repose sur deux phénomènes caractéristiques de la croissance des centres urbains : la suburbanisation – ou étalement urbain – et un accroissement rapide des déplacements. Sur le réseau routier, ces déplacements, qui s'opéraient principalement dans le sens de la périphérie vers le centre, se multiplient aujourd'hui selon les mouvements diversifiés qui s'étendent sur l'ensemble de l'espace urbain. En particulier aux heures d'affluence, lorsque les grands axes sont saturés, ces mouvements s'infiltrent sur l'ensemble du territoire, faisant fi des hiérarchies du réseau fixées par les ingénieurs du trafic. Le développement de la ville transfrontalière répond au modèle centre-périphérie, hypercentre spécialisé dans le commerce, la finance, les services et les loisirs haut de gamme, périphéries résidentielles désarticulées. Ce développement en « tache de léopard » prend appui sur les bourgs et villages de l'ancien espace rural. Sur les nœuds et axes routiers prennent place les services et commerces qui ne trouvent pas à se loger dans la ville dense : centres commerciaux et de loisirs d'échelle régionale, hôtels bas de gamme, zones d'activités artisanales. Responsables politiques et urbanistes partagent deux préoccupations : - Comment maîtriser ce développement urbain diffus ? - Comment canaliser les déplacements sur le réseau des transports publics ? Un objectif prioritaire et de mieux coordonner urbanisation et infrastructures de transports. Or les manières d'aborder cette problématique diffèrent. Fondamentalement, elles reposent sur deux alternatives : construire la ville sur le réseau ou reconstruire le réseau sur la ville. Construire la ville sur les réseaux, c'est donner la primauté à la mobilité, aux flux, aux déplacements des hommes et des marchandises. Cette stratégie s'inscrit dans une approche fonctionnaliste qui voit la ville d'abord comme un ensemble d'activités à relier de la manière la plus rationnelle, la plus efficace, la plus économique. L'objectif est ainsi de créer des pôles urbains sur les axes de transports publics et de densifier les secteurs à urbaniser en fonction des possibilités foncières. Le souci est de mieux relier le centre à la périphérie et de mieux organiser cette périphérie. Les activités et les grands équipements sont concentrés dans des pôles « interconnectés ». Un réseau secondaire relie les zones résidentielles à ces pôles. Cette conception introduit des hiérarchies spatiales dans la ville : hypercentre, pôles secondaires, zones spécialisées pour les activités et l'habitat. Elle organise la ville en fonction des besoins de l'économie, lien habitat-travail, lien firme-firme et de la consommation, lien habitat-commerce. Elle se fonde d'abord sur l'accessibilité. L'urbanisation est analysée et conçue en termes de quantités et de densités de logements et d'emplois. Le réseau est calculé en termes de capacité, de charge, de circulation, de parcage. Les rues, les avenues, les axes urbains sont hiérarchisés en fonction de l'organisation des flux. L'espace public est aménagé d'abord en fonction des contraintes et des normes de la circulation des automobiles et des transports publics. La forme de la ville est aléatoire. Elle n'est pas conçue, pensée, mais résulte de la logique des réseaux. Elle s'inscrit entre ses mailles au gré des besoins du marché, des investissements privés et publics, de la mise à disposition de zones à bâtir. Elle résulte d'une multitude d'actions ponctuelles et localisées. L'autre approche donne la primauté à la ville sur le réseau. Elle implique un projet sur la forme et la structure de la ville, sur son contenu et lui subordonnent le maillage et l'organisation du réseau. Cette démarche s'appuie sur une analyse qualitative du territoire, de ses spécificités, de ses potentialités, de ses valeurs patrimoniales et paysagères. Elle donne la primauté à l'usage de la ville. Elle part du principe que la ville est un tout et non pas l'addition d'éléments, addition de logements, d'activités, de zones, de voies de circulation. La ville n'est pas une réalité abstraite et quantifiable. Elle est le fruit d'une histoire, d'une culture, produit matériel et immatériel. Paris n'est pas Genève. Genève n'est pas Barcelone. Chaque ville a son identité. Ainsi la réflexion sur la ville, le projet de ville, implique un lien fort entre forme et contenu. Concevoir le développement de la ville, c'est faire le lien entre le global et le local, entre l'unité et la diversité. Donner la primauté à l'usage de la ville, c'est partir de la vie quotidienne. C'est traiter avec le même soin l'espace public et l'espace privé, le centre et la périphérie, les quartiers historiques et la ville ordinaire. Les réseaux de transports et de communication, la mobilité et les flux de l'information sont certes aujourd'hui des éléments déterminants dans le développement urbain. Ils n'en restent pas moins subordonnés à l'usage et à la forme de la ville. 5. Description du projet 5.1. Rappels des prémisses et de quelques éléments territoriaux Le projet s'appuie d'une part sur les préceptes théoriques et historiques décrits précédemment ainsi que sur la proposition, issue du safari, d'inverser les flèches du développement en partant de l'extérieur vers l'intérieur. D'autre part sur la réalité géographique de la « cuvette » genevoise limitée par les massifs montagneux dans laquelle notre projet est circonscrit – les échappées le long des rives du lac et des vallées de l'Arve appartiennent, selon nous, à d'autres systèmes urbains. Le territoire est composé de trois parties : l'ancienne Genève, la nouvelle Genève et la zone agricole. - L'ancienne Genève qui comprend les communes urbaines du canton de Genève et la ville d'Annemasse est un ensemble urbain dense, compact et bien circonscrit. - La nouvelle Genève, longeant la frontière, sur France, avec une urbanisation encore hétérogène mais incluse dans les zones à bâtir (POS) formant une couronne linéaire quasi continue présentant une forte potentialité. Le tout équipé d'un réseau routier, autoroutier et ferré. - La zone agricole genevoise, protégée, est enchâssée entre l'ancienne et la nouvelle Genève. 5.2. Un projet urbain global pour un territoire transfrontalier Le projet est limité au bassin genevois, en portant une attention particulière à la nouvelle Genève, partie de la ville en devenir, en ordonnant l'urbanisation en cours de la couronne (voir figure 11). Ainsi nous mettons cette partie au même niveau de planification que l'ancienne Genève. C'est l'ensemble des activités urbaines qui sont considérées, notamment l'ordinaire de la ville dont le logement. Un réseau de transports rail-route accompagne l'urbanisation. Le réseau routier existant formé de l'autoroute de contournement de Genève, les D884 et D984 au pied du Jura, l'A40 au sud, est complété, dans le projet, par sa prolongation à l'ouest jusqu'à Bellegarde et à l'est direction Chablais. Nous avons repris la traversée de la Rade par un pont haut tel qu'envisagé par notre groupe en 1990. Nous proposons un réseau ferroviaire en forme de H, déjà formé en partie. La réalisation du CEVA (Cornavin-Annemasse), la remise en service de la ligne en friche du pied du Jura et son prolongement jusqu'à Nyon, la traversée ferrée de la Rade et la réalisation d'un maillon Meyrin-Thoiry sont également proposées. Les deux bâtons du H se rejoignent à Bellegarde. Ce système forme un RER qui est relié au réseau à longue distance par les gares de Cornavin, Aéroport et Annemasse. Figure 11 - Genève, projet territorial urbain transfrontalier 5.3. Projet de cité linéaire pour la nouvelle Genève Nous avons pris le parti de renforcer le caractère de la couronne en proposant un projet ayant la forme d'une cité linéaire (voir référence théoriques pts. 3.3., 3.4., 3.5.) Son implantation (voir figure 12) prend en compte le bâti actuel, les POS, la topographie, le paysage, l'hydrologie etc. en cherchant à les répartir tant sur territoire français que sur territoire suisse. Cette cité linéaire, desservie par un tram, a une largeur de 650 mètres, (accès au tram à pied), et s'étend sur 56 kilomètres, répartis en trois secteurs : Secteur pied du Jura, de Gex à Collonges, superposé au bâti actuel que forme la chaîne continue de villages, sur un terrain en légère pente, adossé à la forêt et orienté au sud-ouest (altitude de 500 mètres) dominant le Mandement. Le secteur de 23,4 kilomètres est situé sur France. Secteur Salève, de Chancy à Veyrier, à distance du bâti français de l'autre côté de l'autoroute. Ce secteur, situé sur Suisse, de 20 kilomètres longe la frontière. Il est relié aux principales entités telles : Vallery, Viry, St. Julien, Archamps, Collonge-sous-Salève. Secteur Voirons, des Communaux d'Ambilly à Bons-en-Chablais, suivant la crête de la rive droite du Foron sur les terrains plats auquels le bâti français proche de la rive gauche est rattaché (St. Cergue, zone industrielle d'Annemasse). Secteur situé sur Suisse et sur France, long de 13,1 kilomètres. Le tram parcourant l'axe de cette cité sur toute la longueur est découpé en cinq tronçons indépendants, reliés aux sept gares RER soit, Gex, Thoiry et Farges pour les deux tronçons Jura; Chancy, St. Julien, Chêne-Bourg, Bons-en-Chablais pour les trois tronçons Salève-Voirons. Là où la cité linéaire pénètre dans l'ancienne Genève, le tram sert de continuité de Veyrier aux Communaux d'Ambilly en franchissant l'Arve. Le système tram-RER combiné au réseau routier existant et à celui de la cité linéaire, permet de choisir le mode de transport selon la distance à parcourir et ainsi accorde l'accessibilité de la ville, ancienne et nouvelle, égale pour tous. Figure 12 - Projet de cité linéaire pour la nouvelle Genève 5.4. Forme de la cité linéaire Le projet, se référant au modèle de Spangen (voir pt. 3.8.), s'organise autour d'une avenue centrale de 50 mètres de largeur qui structure le projet sur toute sa longueur (voir figure 13). Deux bandes de 300 mètres de profondeur, comportant des ilôts bâtis répartis selon une maille carrée de 150 x 150 mètres se développent de part et d'autre. Les équipements publics, ainsi que les parcs et espaces de loisirs peuvent occuper plusieurs mailles. La cité doit rester un « filtre » entre les montagnes et les parcs côté ancienne Genève. Des percées laisseront passer, notamment, la multitude de cours d'eau. L'avenue centrale est composée d'un espace piétonnier au milieu (7 mètres), avec, de chaque côté une voie pour le tram, deux voies de circulation, une rangée d'arbres, ainsi qu'une contre-route avec des places de parc, une nouvelle rangée d'arbres et un trottoir. L'avenue est ponctuée par des arrêts de trams tous les 600 mètres, qui desservent la cité grâce à des ascenseurs et des passerelles qui sont placés en face des équipements publics. Une deuxième rue est créée à 7 mètres au-dessus du sol, réservée aux piétons et vélos. (voir figure 13). Des immeubles de six à huit étages bordent l'avenue centrale, derrière lesquelles on trouve des quartiers dont les immeubles ont quatre étages. Tous ces quartiers sont desservis par un réseau secondaire dont les rues sont assez larges pour recevoir des places de parking de part et d'autre de la voie. Un système de passerelles et d'ascenseurs est prévu pour circuler transversalement dans la cité. Le piéton ne parcourt pas plus de 400 mètres pour se rendre dans n'importe quel point de la cité. Figure 13 - Forme de la cité linéaire 5.5. Prise en compte des projets existants pour l'ancienne Genève Nous avons intégré au projet global le projet élaboré par notre groupe en 1990 : traversée de la Rade par un pont haut Frontenex-Nations, pont horizontal reliant les hauts des collines, permettant d'accueillir tous modes de transport y compris le train. Les têtes de pont, rive droite, autour des organisations internationales, rive gauche Frontenex-Cologny, sont prévues pour un développement urbain mixte. Ont également été considérés certains projets du CRFG : le Rectangle d'Or de l'aéroport, notamment l'idée d'un parc diagonal ainsi que l'Etoile d'Annemasse qui devient la troisième gare de Genève organisée de manière bi-nationale. Les Communaux d'Ambilly sont intégrés à la cité linéaire. 5.6. Projets de parcs urbains En s'inspirant des principes énoncés par Maurice Braillard en 1936 (voir pt. 3.6.) nous proposons d'enrichir la zone agricole et les sites protégés par un réseau d'espaces publics ordonnant les activités (sportives, de loisirs, etc.) qui s'y déroulent (voir figure 14). Des éléments du plan directeur cantonal de l'espace rural sont pris en considération, telles que les voies historiques, les cheminements piétons, randonnées, réseaux cyclables, sites protégés, mise en valeur des cours d'eaux, des forêts ainsi que de certains aspects de la structure agricole. L'organisation et la structure des parcs se fait à partir de la cité linéaire allant en direction des cours d'eau, du lac et de sites protégés. Un réseau perpendiculaire à la cité est mis en place, cette dernière laisse le passage aux multiples cours d'eau. Traversée par des éléments du paysage et par les vents, elle n'est pas une barrière mais un filtre. À l'extérieur de la cité le paysage montagneux, forestier et rural est maintenu. Figure 14 - Projet des parcs urbains 6. Données quantitatives relatives à un kilomètre de cité linéaire 6.1. Eléments pour le calcul Le chiffrage est calculé sur la base d'un développement linéaire d'environ 300 mètres de part et d'autre de l'avenue principale. Dans un premier temps, il ne porte que sur la moitié du périmètre. Surface de terrain : 300 mètres x 1'000 mètres = 300'000 mètres carrés Déduction : Les emprises des infrastructures routières et des équipements et espaces publics représentent 30 % de la surface de terrain disponible d'où un potentiel constructible de 210'000 mètres carrés. Densité de construction et taux de répartition des affectations : L'indice d'utilisation du sol retenu est de 1,2 et il est postulé une mixité d'activités équivalant à un emploi = un logement. Dès lors, dans la mesure où un 4 pièces représente 100 mètres carrés de surface brute de plancher et qu'un emploi en représente 40 mètres carrés (moyenne entre des surfaces commerciales ou de dépôts qui consomment beaucoup d'espace pour peu d'emplois et des surfaces administratives ou de production technologique beaucoup plus denses), le nombre de logements et d'emplois s'élève à 210'000 mètres carrés x 1,2 = 252'000 mètres carrés / 140 mètres carrés, soit 1'800 logements et 1'800 emplois. Total pour 1 kilomètre de cité linéaire : 1'800 logements x 2, soit 3'600 logements, représentent 9'000 habitants (taux de 2,5 personnes par ménage) et 3'600 emplois. 6.2. Quantification du projet par tronçon T1 Farges-Thoiry : 12,0 kilomètres soit 43'200 logements, représentant 108'000 habitants et 43'200 emplois T2 Thoiry-Gex : 11,4 kilomètres soit 41'040 logements représentant 102'600 habitants et 41'040 emplois T3 Chancy-Saint-Julien : 12,2 kilomètres soit 43'920 logements représentant 109'800 habitants et 43'920 emplois T4 Saint-Julien-Chêne-Bourg : 7,8 kilomètres soit 28'080 logements représentant 70'200 habitants et 28'080 emplois T5 Chêne-Bourg-Bons-en-Chablais : 13,1 kilomètres soit 47'160 logements représentant 117'900 habitants et 47'160 emplois 6.3. Quantification pour l'ensemble du projet L'ensemble de la cité linéaire représente 56,5 kilomètres, soit un potentiel à long terme de 203'400 logements, équivalent à 508'500 habitants et 203'400 emplois. 7. La dimension environnementale. Les principes fondamentaux du développement durable tels que l'amélioration de la qualité de vie, l'équité intergénérationnelle, la pondération de l'économie par des considérations écologiques et sociales, en font une rès publica. C'est dans cet esprit que le projet « 500 mètres de ville en plus » a intégré, dès la phase de conception 1 , la dimension environnementale dans ses postulats de base : construire un habitat sain, compatible aux besoins particuliers de toutes les générations, le moins nocif pour l'environnement, qui privilège le bien être des habitants 2 tout en préservant au maximum les ressources naturelles et la beauté des paysages... Le projet, lorsqu'il sera avancé, devrait répondre aux exigences législatives suisses 3 et françaises 4 , européennes 5 en matière de la protection de l'environnement. Une de ces exigences est représentée par les études d'impacts. Ces dernières aident à faire respecter la législation en matière de protection de l'environnement, des prérogatives en matière de santé ou de préoccupations sociales en rapport avec la qualité de vie. Au-delà de répondre aux exigences législatives signalées plus haut, en un premier temps, la qualité environnementale du projet « 500 mètres de ville en plus » sera mesurée, et comparée au status quo, aux alternatives et/ou variantes, à l'aide d'un indicateur de développement durable qui est « l'empreinte écologique ». L'empreinte écologique («ecologial footprint») mesure la pression qu'exerce l'homme sur la nature. Exprimée en hectares globaux, par année et par personne, l'empreinte écologique est la portion de terre vivante pour assurer la subsistance et indispensable pour absorber les déchets produits. L'avantage majeur de cet indicateur est sa comparabilité, sa fiabilité et sa reproductibilité. Cet indicateur, présenté sous forme graphique est, d'une part, un excellent instrument pédagogique pour sensibiliser l'opinion publique aux aspects environnementaux, d'autre part, c'est aussi un instrument d'aide à la décision qui permet aux décideurs de mieux appréhender les spécificités locales en matière d'utilisation du sol, de l'énergie, des biens de consommation et de production des déchets. En effet, ce projet d'architecture et d'urbanisme devrait relever un triple défi. - L'efficacité économique. Pour attirer et retenir des activités, pour créer des emplois, pour se développer, un projet d'urbanisme doit être économiquement efficace. L'intérêt témoigné par les pouvoirs locaux, l'afflux de travailleurs et d'investisseurs dans la région laissent présager une bonne efficacité économique. Celle-ci devrait naturellement être confirmée par une étude appropriée. Le transport commun urbain prévu, est également un facteur d'efficacité car il facilite l'accès de tous à tous les principaux pôles d'activité de la région (les industries, les commerces, les services, les administrations, les équipements d'éducation, de santé et de loisirs). - La qualité de vie. Dans la perspective de l'écologie humaine la qualité de vie dépend d'une part de la qualité de l'environnement biogéochimique (eau, air, sol, faune et flore) de l'individu (ou du groupe humain considéré), d'autre part de l'ensemble des relations que les hommes entretiennent entre eux (la qualité de l'environnement social). En respectant l'environnement naturel, en répondant aux besoins de sécurité, de contacts sociaux et d'esthétiques ce projet devrait assurer une bonne qualité de vie aux habitants. - La cohésion sociale. Ce projet de territoire urbain transfrontalier en favorisant la mixité socio-économique et culturelle devrait offrir un bon niveau d'intégration sociale pour éviter les phénomènes d'exclusion et de marginalisation. Sa rue à deux niveaux, les espaces communs et l'accessibilité à tous, déjà signalés, devraient renforcer la cohésion sociale. 1 Démarche qualité environnementale (DQE) 2 La satisfaction de l'environnement du logement contribue (postulat 3b), selon les postulats suisses de développement durable, le bien-être de l'individu. Selon l'OFS, 30 % des Suisses ne sont pas satisfaits de leurs logements.
3 ) LPE : Loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement. Ordonnance du 19 octobre 1988 relative à l'étude de l'impact sur l'environnement (OEIE). Législation genevoise : Loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre
4 Code de l'environnement de la République française. Loi relative à la protection de la nature n° 76-629 du 10 juillet 1976.
5 Directive du Conseil n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.
Figures de «Genève, un projet territorial urbain transfrontalier»
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