Reterritorialisation du secteur de la Praille à l'échelle du projet urbain transfrontalier

L'absence de projet

Depuis le texte d'Alain Cudet en 1995 « la Ville n'est pas la ville », où ce dernier démontrait que la Ville, la vraie, celle qui est en devenir, celle qui est complexe et ne se limite pas à une addition de logements, d'emplois ou de transports publics … et celle, par conséquent, qui n'est jamais finie, dépassait, depuis longtemps, les frontières de la commune nommée ville de Genève, cette problématique, qui pourtant avait connu quelques échos dans les prémisses des débats initiaux de la constituante, a de nouveau sombré dans les oubliettes pour ménager un communalisme ambiant où chaque autorité semble y trouver son compte. Le projet d'agglomération est à ce titre significatif.

Or seul un projet global proposant des extensions urbaines par des déclassements importants de la zone agricole dans les meilleurs endroits pour habiter, tels les bords du lac sur les communes de Bellevue et Pregny-Chambésy sur la rive droite et de Cologny sur la rive gauche ainsi que le plateau de Pinchat permettra non seulement de traiter de l'ordinaire de la ville, mais aussi de préciser les relations qu'elle entend développer entre son centre et ses périphéries. Ainsi, comme l'avait relevé avec pertinence Pierre Milleret, lors d'un safari organisé pour l'Agedri, il faut inverser les flèches du développement en les retournant vers l'intérieur. Par analogie, ce qui donnera sens à un nouveau centre, c'est la réalisation de ces nouveaux développements et la mise en relation de l'ancienne et de la nouvelle Genève par la réalisation, notamment d'un réseau RER transfrontalier performant. A ce sujet, les autorités semblent aborder, à nouveau, le problème de façon sectorielle, partielle et incohérente dans la mesure où dans l'engagement signé tout récemment pour la mise en œuvre d'un RER franco-valdo-genevois un pan important du territoire est totalement ignoré, le pied du jura. Ce dernier, qui possède également une infrastructure ferroviaire, devrait être relié impérativement, par la réalisation d'un barreau nord de Meyrin à Thoiry, au réseau général ferré.

En lieu et place le conseil d'état propose le prolongement des lignes de tram de Meyrin jusqu'à St-Genis et de la future ligne du Grand-Saconnex jusqu'à Ferney-Voltaire. L'approche fragmentaire révèle une fois de plus la cécité du pouvoir politique au sens large en matière de réalité urbaine qui, par souci environnemental ou par xénophobie, les deux se rejoignant souvent, occulte systématiquement les phénomènes urbains qui continuent à se développer de l'autre côté de la frontière, tant par la poursuite du pavillonnaire, mais également, plus récemment, sous forme d'implantation d'immeubles collectifs. Ce n'est que dans une proposition globale que doit s'inscrire l'étude du périmètre PAV (Praille-Acacias-Vernets), sinon celle-ci n'aura pas de sens, si ce n'est de servir la soupe à des promoteurs privés afin de réaliser de banales opérations immobilières, dénuées d'enjeux et de visions urbanistiques. Dans ce sens le projet PAV se caractérise surtout par … une absence de projet. Bien que le plan directeur cantonal, adopté en 2000 par le grand Conseil, présentait très timidement quelques déclassements épars de la zone agricole, force est de constater qu'aujourd'hui aucun des sites retenus (les communaux d'Ambilly, la Chapelle-les Sciers, les Vergers…) n'est entré dans une phase opérationnelle. Pire on lui oppose non seulement des projets nouveaux d'envergure, d'abord la Praille, les différents PACA (périmètres d'aménagement cordonné d'aglomération), mais surtout une foule de petites opérations disparates de densification d'espaces résiduels dans le centre urbain qui elles se réalisent immédiatement et péjorent grandement la qualité de la Ville.

Le groupe Genève 500 mètres de ville en plus a basé sa contre-proposition selon les points principaux suivants:

  • la réalisation de cités linéaires périphériques sur l'emplacement actuel des principaux développements pavillonnaires de France voisine ;
  • la réalisation à partir de CEVA d'un véritable réseau RER comprenant le barreau nord, le bouclage aéroport-Bellevue ;
  • la traversée de la rade par un pont mixte rail-route permettant également de terminer le contournement autoroutier nord ;
  • la réalisation de la gare centrale métropolitaine à la Praille ;
  • la réalisation du desserrement du Centre par un déclassement de la zone agricole contigüe ;
  • la requalification des espaces centraux par l'implantation d'espaces et de d'équipement publics ;
  • la distinction des lieux stratégiques à enjeux par rapport à l'ordinaire de la Ville ;
  • la création de grands parcs urbains.

Un emploi, un logement !

Alors que les négociations entre le comité référendaire et les représentants de l'Etat et des communes au sujet de l'aménagement du périmètre Praille–Acacias-Vernets (PAV) ont abouti, il parait nécessaire de définir et préciser le concept « un emploi-un logement » proposé comme base d'affectation du périmètre précité et de se méfier des travers qui peuvent en découler.

Plus encore il convient de distinguer entre les éléments de ligne et les compromis négociés avec les autorités. C'est dans ce sens qu'il faut prendre ce concept tout en ayant un regard critique sur son utilisation normative de façon locale.

De tout temps le « groupe Genève 500 mètres de ville en plus » a postulé une parité entre logements et emplois, dans un souci de rééquilibrage et de limitation non dogmatique des mouvements pendulaires entre l'ancienne et la nouvelle Genève. C'est dans ce sens qu'il a utilisé cette approche dans le chiffrage du projet territorial urbain transfrontalier qui vise à terme la réalisation nouvelle de 200.000 logements et de 200.000 emplois. Toutefois ce postulat s'accompagne en revanche d'un autre concept « desserrer la ville pour faire la Ville ». En effet suite au constat d'échec de la mise en pratique du slogan « construire la ville en ville » des années 80 et qui, sous pression de l'écologie interpartis, ressurgit dangereusement, il faut défendre le desserrement du centre urbain dans le sens de l'amélioration qualitative de la Ville au profit prioritairement d'espaces et d'équipements publics qui contribue à renforcer son attractivité. Or le compromis normatif acquis ne devrait s'appliquer qu'à l'ordinaire de la Ville, mais en aucun cas aux périmètres à enjeux. Dès lors que l'on propose comme équipement majeur et structurant la réalisation de la gare métropolitaine en liaison notamment avec le réseau international ferré et routier, il appartient aux autorités de s'assurer de la maitrise des réserves foncières nécessaires à ces programmes d'exception. La localisation de cette gare principale à la Praille s'accompagne de la reconnaissance de deux gares secondaires importantes, desservies également par les grandes lignes, à savoir celle de l'Aéroport et celle d'Annemasse. La gare de Cornavin deviendrait, quant à elle, une halte régionale privilégiée du futur RER.

Dans ce sens l'accord proposant « un emploi-un logement », outre l'aspect moraliste pour le moins déplaisant sous-jacent –le logement c'est bien, les bureaux c'est mal - peut s'avérer contre-productif le jour où l'on devra prioriser l'un ou l'autre de ses composants. Il ne faut pas oublier que les haltes RER, a fortiori la gare centrale, sont des lieux prioritairement voués à l'emploi si l'on veut un tant soit peu réaliser le transfert modal voitures-transports publics. Dès lors cette « norme » devrait s'appliquer avec une certaine souplesse dans les lieux stratégiques. Encore faudrait-il qu'il soient définis…mais ceci est une autre histoire qui se base sur une vision de la Ville future.

En l'absence d'un véritable projet rassembleur, ce compromis risque de rester aussi inefficace que les PUS (plans d'utilisation du sol).

500mv+/LC/1.9.10