Groupe Genève cinq cents mètres de ville en plus
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Genève 500 mètres de ville en plus

Débat

Genève en 2020: vingt mille logements à la Praille-Acacias?


RAYMOND SCHAFFERT. Ancien directeur de l’Aménagement au DAEL, membre de «500 mètres de ville en plus»
«Nous proposons de construire à la Praille la future gare centrale de Genève».

XAVIER COMTESSE. Directeur de l’antenne romande d’Avenir Suisse, «think tank» de l’économie suisse.
«On peut construire 20 000 logements à la Praille-Acacias tout en préservant de grands espaces».

Jean-François Mabut
Tribune de Genève 8 novembre 2005

Xavier Comtesse. - Oui, il est nécessaire et pertinent de bâtir vingt mille logements au sud de l'Arve. Le concept des cités satellites est sans issue. Leur construction a été ressentie par les habitants comme un exil hors de la ville. Elles sont toujours le foyer de problèmes sociaux et génèrent des besoins de transport gigantesques. Et je parle d'expérience. j'ai longtemps habité à Onex. Entre le Bachet-de- Pesay et la Jonction, Genève a l'opportunité extraordinaire de construire un nouveau morceau de ville tout à côté de l'autre. Partiellement en friche, le secteur est raccordé à tous les modes de transports. C'est aussi le lieu de mixer l'habitat et le logement.

De remplacer les commerces - notamment les garages de voitures - très gaspilleurs d'espace par des immeubles en conservant les activités industrielles et commerciales les plus nobles et les moins polluantes et en ménageant des espaces verts le long de l'Arve. Zurich l'a fait en réaménageant le Kreis 5. Avec l'urbanisation de la Praille, Genève a la chance de se réconcilier avec les urbanistes et les architectes.

Raymond Schaffert. - Je suis tout à fait opposé à cette idée de construire la ville en ville. Genève est déjà la ville la plus dense de Suisse. Il y a de moins en moins d'espaces vides. Stop! Il faut desserrer la ville. Depuis bientôt vingt ans le groupe «500 mètres de ville en plus» travaille sur l'extension de la ville. A l'époque nous avions proposé un pont sur la rade entre le haut du Jardin botanique et Cologny. C'est sur ces deux têtes de pont que nous situions le développement de l'habitat. Deux espaces magnifiques dominant le lac.

Comtesse. - J'imagine les oppositions...

Schaffert. - Depuis, la ville s'est étendue jusqu'à Annemasse. Elle court le long du Salève, mange le pied du Jura et les rives du lac. 700 000 habitants vivent dans ce bassin transfrontalier. Nous proposons de densifier ces quartiers nouveaux et de les relier entre eux par des transports publics efficaces. C'est notre concept de la cité linéaire.

Comtesse. - Vous changez d'échelle. Je ne parlerais pas de ville, mais de région métropolitaine, laquelle s'étend en effet de Lausanne à Annecy et d'Evian à Bellegarde.

Schaffert. - Entre Salève et Jura, il faut parler de ville, parce que ce mot réfère à une communauté de vies et de destins. La ville de Genève s'étend de Douvaine à Divonne. Cette ville exige une mise à niveau de son organisation politique. En proposant 20 000 logements à la Praille, le programme du concours de la Fédération des architectes a manqué de vision stratégique. Pour nous, le développement de la Praille-Acacias doit s'articuler autour d'une idée-force. Nous proposons d'y construire la future gare centrale de Genève.

Et de penser l'aménagement du quartier et la ville elle-même autour de cette future gare. Cornavin est inaccessible en voiture. Cette gare ne peut plus se développer. La Praille au contraire offre une formidable opportunité de réaliser enfin le nœud ferroviaire (y compris le transfert rail-route) que Genève a manqué au XIXe siècle. La Praille sera sur l'axe Paris-Chamonix (et Paris-Milan lorsque la ligne du sud du lac Léman sera revitalisée) et sur l'axe Zurich-Annecy-Grenoble- Lyon (et Turin, quand les Français auront percé le tunnel de base du Mont-Cenis).

Au plan régional, la gare centrale de la Praille donne au RER Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse sa pleine raison d'être et rend pertinente sa prolongation vers l'aéroport et son raccordement futur à la ligne ferroviaire du Pays de Gex qu'il faut revitaliser et raccorder à Nyon.

Contesse. - Votre projet est tout à fait séduisant. Genève a en effet besoin de se réinventer et se doter des infrastructures d'une métropole d'un million d'habitants. Mais il n'empêche nullement de construire des milliers de logements aux Acacias - à l'emplacement de la caserne pour commencer et des commerces de voitures. Et pourquoi pas au nord de Cornavin, si votre idée voit le jour. Tous les projets du concours d'idées montrent qu'on peut installer 20 000 logements à la Praille tout en préservant de grands espaces.

Schaffert. - C'est un quartier complexe qui offre des milliers d'emplois. La partie nord doit conserver son caractère industriel. Architecturalement, il y a des bâtiments qui sont des témoins de notre patrimoine: la patinoire des Vernets évidemment, le garage Eurogas, Sicli et plusieurs autres. Il faut surtout conserver tout l'espace ferroviaire en réservant la possibilité d'y installer la gare centrale de Genève.

Comtesse. - Intéressant! Que faut-il conserver à la Praille- Acacias?

Schaffert. - C'est un quartier complexe qui offre des milliers d'emplois. La partie nord doit conserver son caractère industriel. Architecturalement, il y a des bâtiments qui sont des témoins de notre patrimoine: la patinoire des Vernets évidemment, le garage Eurogas, Sicli et plusieurs autres. Il faut surtout conserver tout l'espace ferroviaire en réservant la possibilité d'y installer la gare centrale de Genève.

Comtesse. - Autour de toutes les gares centrales du monde fourmille une multitude d'activités, des commerces, des logements, des hôtels, des centres administratifs, des activités de loisirs, etc. Je ne vois pas de raison d'y conserver des ateliers et les garages d'un ou deux étages. Il nous faut un centre fort. Avec des banlieues à perte de vue, la ville perd son âme, un syndrome américain qu'il nous faut éviter.

Que n'a-t-on pas construit des tours le long de l'avenue des Acacias plutôt que de laisser s'y installer des commerces. Une série d'immeubles élevés ne détuirait nullement l'image de Genève, puisque le quartier est dans un creux.

Schaffert. - Certes, mais ces commerces rentabilisent leur installation en dix ans. Ils pourront donc être déplacés dans une autre zone sans trop de difficulté. En revanche, ce serait grave de laisser s'édifier des immeubles en dur avant d'avoir une image d'urbanisation claire du périmètre. C'est là où le concours de la FAS est utile.

Comtesse. - D'accord. Il faut sortir des plans de quartier type timbre-poste et inventer une grande zone mixte cohérente au sud de l'Arve. C'est ce manque de vision d'envergure qu'on peut reprocher à Moutinot. Mais il n'est pas le seul à rater le train. La Suisse creuse à coups de milliards deux transversales alpines, alors que le trafic nord-sud diminue de 2,5% par an. C'est désormais le trafic est-ouest qui se développe. La géographie européenne est horizontale. Les axes Paris-Berlin-Varsovie, Lyon-Zurich-Munich-Prague et Barcelone-Milan- Budapest-Bucarest sont notre avenir. Le Paris-Lyon-Turin n'est plus dans l'axe de l'histoire.
Qu'est-ce qui va ou doit disparaître à la Praille?

Comtesse. - Rolex ne disparaîtra pas, le Stade de Genève non plus, la caserne, oui. La gare de triage et aux marchandises aussi. Le débat commence sur l'image générale. Il faut l'achever puis réaliser les projets objet par objet. Malheureusement, Genève se focalise sur les transports et les rues qu'on ferme et pas sur le logement et le développement urbain.

Schaffert. - Il ne faut surtout pas démanteler la gare. Avec l'autoroute, Genève a en outre l'opportunité de se doter d'une vraie gare routière. Pour le reste il faut privilégier des activités liées à ce pôle d'échange: des hôtels, des activités, des équipements culturels et sportifs, etc.
Quelle sera l'image future de ce quartier?

Comtesse. - Surtout pas de copier-coller! Faisons confiance à des jeunes architectes, ça doit être le reflet de notre temps. Voyez les grandes villes anglaises qui ont converti les anciens quartiers industriels. Glasgow est magnifique. La Praille-Acacias ne ressemblera pas au quartier des Eaux-Vives ou de Plainpalais. Ni au Vieux-Carouge, ni aux tours de Carouge, ni à une cité satellite, ni au nouveau quartier de Cressy.

Ces modèles sont ceux d'un autre temps. Abandonnons le zoning. Faisons des concours. L'essentiel est que les Genevois aiment à nouveau leur ville. L'avantage du périmètre de la Praille réside aussi dans le fait qu'il n'y a en principe pas d'opposition.

Schaffert. - C'est un mauvais argument. Ce périmètre, comme tout périmètre d'aménagement, ne peut pas être traité comme si c'était une île. Construire la ville ne peut être que le fruit d'une œuvre collective. Il faut affronter les oppositions, en tenir compte, négocier un projet. L'urbanisation des Communaux d'Ambilly, avec laquelle je suis d'accord, en est l'illustration.

Comtesse. - C'est de l'entêtement qui frise la provocation et ne conduit qu'à une impasse. Arrêtons de vouloir exiler les gens à la périphérie!

Schaffert. - Les cités satellites étaient peut-être coupées du centre lors de leur construction. Aujourd'hui Meyrin et Onex font partie de la ville. Genève sans le Lignon n'est pas Genève.
Prochaines étapes?

Comtesse. - Le futur chef du DAEL doit prendre le leadership, c'est son rôle, et accepter la mixité des activités.

Schaffert. - L'affaire réclame l'engagement de tout le Conseil d'Etat. Il faut penser la Praille en tenant compte de la dimension transfrontalière de Genève.

 

En savoir plus

Débat public. Vendredi 11 novembre 2005, de 16 h à 19 h. Acacias – Centre, 6e étage, 47, rte des Acacias.

Exposition publique au même endroit, jusqu'au 20 novembre 2005, de 12 h à 19 h tous les jours sauf lundi et mardi.