« L'invité » Tribune de Genève

Praille-Acacias-Vernets: la confiance sabotée

Raymond SCHAFFERT
Ecrit en collaboration avec Philippe Brun et Louis Cornut, architectes-urbanistes

22 juin 2009


Or donc, le jovial Monsieur Chevrolet a lancé une pétition de soutien aux 14'000 nouveaux logements que le Conseil d'Etat veut réaliser dans le périmètre PAV. Il n'a aucune raison de douter de ce nombre : Le Conseil d'Etat n'a-t-il pas une équipe de professionnels fiables qui travaillent à ce projet et qu'il aura consultés avant de s'exprimer ? J'apprécie et connais suffisamment ces professionnels, et les instruments d'évaluation dont ils usent en matière d'aménagement, pour en douter.

En effet, le Masterplan 2007 devait permettre l'implantation nouvelle de 6'000 logements et 20'000 emplois s'ajoutant aux 20'000 emplois existants de la zone industrielle, amenant ainsi à doubler la densité bâtie actuelle. La nouvelle annonce de 14'000 logements/15'000 emplois impliquerait le triplement de cette densité !! Celle-ci n'est pas crédible,tant elle imposerait de déplacements d'entreprises, sans que l'on sache où les réinstaller,et laisserait peu de place pour d'autres fonctions urbaines.Il est peu vraisemblable qu'elle émane des professionnels du groupe de travail qui de leur côté élaborent une image directrice des espaces publics.

Le comité des pétitionnaires juge « incompréhensible » l'opposition des syndicats à ces 14'000 logements. Ce qui serait incompréhensible, c'est qu'ils ne réagissent pas aujourd'hui aux conséquences ! En revanche, ils soutiennent une option réaliste et équilibrée de 8'000 logements. Equilibrée, car elle laisse place non seulement aux 8'000 emplois du futur , mais aussi aux besoins du secteur (écoles, crèches espaces verts, commerces, bistrots, etc.) aux espaces publics indispensables ainsi qu' à ceux de la vie culturelle genevoise, voir ceux de l'Université et des HES. Une ville n'est jamais la seule addition de logements et d'emplois.

En 2007, le Conseil d'Etat soutenait la création en ces lieux d'une nouvelle « city » des affaires pour une Genève « capitale mondiale des hedge funds » (sic). En 2009, il appelle l'immense majorité du périmètre PAV à devenir une cité-dortoir intra-muros. Y a-t-il un pilote dans l'avion ? Ce n'est pas ainsi que se gagne l'indispensable confiance populaire pour valoriser ce périmètre. Soutenir aujourd'hui 14'000 logements revient à enterrer un Masterplan qui ne les incluait pas. C'est un leurre cachant la réelle intention du Conseil d'Etat de construire un centre d'affaires au carrefour de l'Etoile et d'autre part, lui évitant d' aborder de front les déclassements de la zone agricole nécessaires pour permettre la réalisation des 50'00 logements du projet d'agglomération.

Sont-ce vraiment les 2 référendums municipaux en cours qui freinent et bloquent ? Ils ne portent que sur un déclassement prématuré de la zone industrielle en zone mixte en faveur d'implantations inconnues et n'empêchent aucune étude de se poursuivre, tant on est encore loin d'un avancement opérationnel.

Lors d'une récente conférence de la Fondation Braillard, M. Carl Fingerhut, ancien architecte cantonal de Bâle et expert au sein de l'équipe du PAV, a démontré combien il importe, pour tout projet, de travailler avec une ligne continue et cohérente, gage unique d'adhésion de la population. Ce ne sont ni les changements d'orientation contradictoires ni les déclarations à l'emporte-pièce qui susciteront cette indispensable confiance, mais un projet négocié pour cet aménagement du PAV dont Genève a besoin.