SAFARI1) URBAIN DANS L'AUTRE GENÈVE
POUR LES MILITANTS DE LA RÉGION DE GENÈVE
DU SYNDICAT UNIA
SAMEDI 27 SEPTEMBRE 2008.
1)safari : bon voyage en swahili
1. LE SAFARI URBAIN. DÉFINITION
Le safari urbain en tant qu'instrument du projet territorial trouve ses
origines dans les contestations sociale et culturelle des urbanismes.
Selon le philosophe et sociologue, Henri Lefèbvre, il y a trois
urbanismes, celui des humanistes qui proposent des utopies abstraites,
celui des promoteurs qui vendent de l'urbanisme, c'est-à-dire du
bonheur, du « style de vie », du « standing » et celui
de l'Etat et des technocrates dont les activités se dissocient
elles-mêmes en volonté et représentation d'une part et
en institutions et idéologies d'autre part. Une remarque à
propos de la première catégorie : l'humanisme n'est pas
l'avenir de l'homme pour tout le monde, le philosophe Peter Sloterdijk,
s'appuyant sur des textes de Frédéric Nietzsche, estime qu'il
aide à construire les barrières de l'enclos humain.
Le safari urbain est donc à l'origine, une arme de la critique, un
instrument de la révolte des sujets contre les structures. Les
sujets ce sont les habitants, les usagers de la ville, les structures : les
plans, les projets dits officiels, privés ou publics ou semi l'un ou
l'autre. Lorsqu'ils contestent les structures les habitants descendent dans
la rue, occupent et parcourent les lieux.
Ce qui manque, à la plupart des théoriciens de
l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, c'est la
subjectivité et c'est parce que manque la subjectivité, que
manque la contradiction.
La faiblesse des structuralistes, c'est qu'ils ne voient pas que les agents
porteurs de structures (les habitants de la ville) sont des sujets toujours
en conflit et si les structures (superstructures) : plans, infrastructures,
équipements peuvent exister c'est que d'une certaine façon on
a réussi à stabiliser un accord entre ces sujets sous forme
d'un grand compromis.
Comme le rappelle l'économiste Alain Lipietz, l'un des fondateurs de
l'Ecole de la régulation à propos des Trente glorieuses :
« [...] on s'est demandé : Mais quand même comment se
fait-il qu'il n'y ait pas eu de crise entre 1950 et 1970 ? Finalement sur
quoi s'était fait l'accord ? Des types comme Billaudot, Granou ou
Lefèbvre, qui par d'autres aspects avaient étudié les
bases idéologiques, culturelles, de ce grand compromis, nous ont
beaucoup aidé. »
Parmi les premiers inventeurs et développeurs de cette arme de la
critique, il faut mentionner l'Atelier de recherche et d'action urbaines
(ARAU) à Bruxelles qui depuis 1969, à l'aide notamment de
visites guidées, mobilise l'énergie des bruxellois autour des
enjeux urbains de leur ville.
2. LE CONTRE-PROJET. DÉFINITION.
Souvent dans le mouvement de
contestation, parfois à ses côtés, pour amplifier et
préciser celle-ci s'élaborent des contre-projets
d'aménagement du territoire et d'urbanisme.
- Un contre-projet territorial n'est pas une variante.
C'est certes une critique qui vise une situation donnée ou
trouvée mais c'est aussi un projet qui doit pouvoir exister de
manière autonome.
- Un contre-projet met en question le procès de la production
courante du projet d'aménagement du territoire et d'urbanisme.
- Un contre-projet change ses propriétés inventives par
la résistance à une situation forcée, par
l'opposition à une imposition.
- Un contre-projet n'a pas comme finalité immédiate sa
réalisation. Il sert aussi à comprendre et à
transformer une situation.
- Un contre-projet est souvent conçu à partir d'un
modèle qui recèle les données fondamentales. Il a
les caractères apparents d'un type. Une marque qui constitue sa
force de critique et de démonstration.
- Un contre-projet existe souvent en parallèle à une
critique sociale et culturelle d'un projet officiel. Il est
fréquemment provoqué par le mouvement social et culturel
qui engendre cette contestation mais il reste relativement
indépendant de celui-ci. En effet, les rythmes et les
échéances du mouvement ne correspondent que très
rarement aux temps du contre-projet.
C'est alors que se tissent les relations entre le contre-projet comme
réponse d'où est partie la contestation aux projets des
urbanismes et les lieux de ceux-ci.
En paraphrasant Marcel Proust dans ses considérations sur le travail
de l'écrivain, on peut soutenir que « l'œuvre du
contre-projeteur n'est qu'une sorte d'instrument optique qu'il offre
à l'habitant pour lui permettre d'apercevoir ce que peut-être,
sans contre-projet, sans les dessins et textes de celui-ci, il n'aurait pas
vu de lui-même. »
Ce mode de relations, par l'intermédiaire d'un safari urbain en tant
qu'instrument, entre un projet ou un contre-projet et un lieu peut alors
devenir indépendant d'un mouvement spécifique et d'un lieu
particulier. Le projet peut prendre un caractère global, toute la
ville par exemple, et être un référant pour la
formation d'un mouvement social et culturel à condition de rester en
mouvement, collectif et critique.
3. LE SAFARI URBAIN DANS L'AUTRE GENÈVE. INTRODUCTION
Il faut distinguer l'ancienne ville, la vieille Genève,
entourée de ses fortifications vertes : la zone agricole, sous
protection et la nouvelle ville, l'autre Genève, qui se
développe autour de la vieille Genève au-delà de
l'enceinte protégée.
On peut aussi identifier dans l'ancienne ville, des stratifications
historiques comme les quartiers. En ce sens, les cités satellites et
les grands ensembles, sont les quartiers de la ville des années '60.
On peut encore différencier dans l'autre Genève, une nouvelle
ville dispersée : l'habitat pavillonnaire et une autre plus
concentrée.
L'emploi parfois d'un langage usant de termes qualifiant le cadre
bâti du Moyen Age : porte, glacis, fortifications, etc. est voulu en
référence à l'idée de protection souvent
présente dans l'urbanisme de l'Etat.
4. QUARANTE-TROIS LIEUX POUR COMPRENDRE LA MÉTROPOLE DE
GENÈVE.
4.1 L'ANCIENNE VILLE, LA VIEILLE GENÈVE
- La Cité médiévale
Enserrée à l'origine dans ses fortifications, de vraies
murailles de pierre grises et très étendues. Elles seront
démolies en 1850.
- Les Tranchées
Première extension de la ville sur les anciennes fortifications.
Extension qui occupera toute la surface libérée et que
l'on appelle la ceinture fazyste du nom du Conseiller d'Etat radical,
James Fazy qui l'a dirigée.
- Montchoisy-Square
Ensembles des années '30 de Maurice Braillard, architecte membre
du Conseil d'Etat socialiste de Léon Nicole, illustrant le
mouvement hygiéniste par la création des squares ouverts.
- Le Plaza
Implosion du centre par la démolition intra-muros d'îlots
anciens et la reconstruction dense d'immeubles plurifonctionnels
(cinéma, commerces, bureaux, logements).
- Le Lignon
Explosion du centre par la construction d'un grand ensemble
extra-muros. Implosion intra-muros et explosion extra-muros, ces deux
mouvements sont significatifs de l'urbanisme des années
‘60.
- L'Ilot 13
Rénovation d'immeubles anciens après luttes urbaines.
- Les Charmilles
Densification par délocalisation d'entreprises illustrant le
slogan « Construire la ville en ville ».
- Cressy
Urbanisme des années '90 fait d'opérations ponctuelles et
de compromis avec les communes.
- Le pont sur la rade Cologny-Reposoir
Le projet du Groupe « Genève cinq cents mètres de
ville en plus » d'un pont haut sur le Petit-Lac permettant non
seulement le bouclage autoroutier mais aussi le passage ferroviaire, a
été soutenu par la section de Genève du Syndicat
Industrie et Bâtiment (SIB).
- La Praille
Projet du Groupe « Genève cinq cents mètres de ville
en plus », pour une gare centrale de la Genève
métropolitaine en liaison avec l'autoroute, comme contre-projet
au Masterplan du Conseil d'Etat.
- Chemin Galiffe
Expression de l'économie en sablier avec les laisser-pour-compte
et les mal logés.
4.2 LA NOUVELLE VILLE, L'AUTRE GENÈVE
- Vésenaz - La Pallanterie, siège de l'entreprise
Reuters
Une usine de la communication. Les nouveaux faubourgs de l'ancienne
ville. Un déclassement de la zone agricole chèrement
payé.
- Douane d'Anières
Une porte dans la zone agricole protégée.
- Veigy-Foncenex
La nouvelle ville dispersée. L'habitat pavillonnaire. Le
mobilier urbain vernaculaire. De nombreuses réserves de terrains
à bâtir. Quelques autres activités. 2'800
habitants. 40 nationalités.
- Douane de Gy
Encore une porte et le retour dans l'enceinte verte.
- Autour de Jussy-Meinier-Presinge
Les nouveaux glacis de l'ancienne ville, la zone agricole
protégée. Projet des Communaux d'Ambilly.
- Douane de Mon-Idée
La ligne de démarcation. D'un côté la nouvelle
campagne, les nouveaux glacis de l'ancienne ville. De l'autre les
cadres bâtis de la nouvelle ville. A proximité le projet
d'un nouveau quartier de l'ancienne ville est combattu par les
habitants-propriétaires des quartiers résidentiels et les
autorités locales. Plan d'aménagement coordonné
4'000 logements + activités.
- Agglomération d'Annemasse (Annemasse, Ambilly,
Ville-la-Grand, Vetraz-Monthoux, Gaillard, Etrembières)
Le développement s'opère également à
l'intérieur de l'agglomération annemassienne sous forme
d'immeubles collectifs très souvent en
copropriété. Ancien nœud ferroviaire. Porte de la
Vallée de l'Arve. Une petite ville industrielle devenue quartier
de la nouvelle Genève.
- Zone industrielle Ville-la-Grand - Annemasse
Une zone dite industrielle aux activités multiples : travail,
commerces, services etc, dans la nouvelle ville concentrée.
- Aérodrome d'Annemasse
Loisirs et commerces
- Ensemble Le Perrier
L'habitat des Trente glorieuses ('45 - '75) dans la nouvelle ville
concentrée.
- Etrembières-Gaillard
Le Shopping-center et le Casino. Une accumulation de centres
commerciaux sur un nœud routier et autoroutier.
- Le Salève
Montagne genevoise en Savoie en cas de beau temps. Vue panoramique sur
l'ancienne et la nouvelle Genève. Une seule ville
partagée par une frontière politique invisible à
l'œil.
- Parc international d'affaires d'Archamps
Une cité de commerces, d'activités et de loisirs dans la
nouvelle ville dispersée. Première opération
transfrontalière réalisée par un syndicat mixte
franco-suisse, 50 entreprises, 1'200 emplois. Réserve de
80'000m2.
- Neydens
Le site de Neydens regroupe des activités de loisirs (Macumba,
un Casino et le centre wellness de Migros), sur un nœud
autoroutier A40-A41.
- Douane de Saint-Julien
Une porte dans les cadres bâtis contigus des deux villes.
- Borne frontière 49
Une vue générale sur l'ancienne et la nouvelle ville qui
enchâssent les futurs parcs urbains, constituant aujourd'hui la
zone agricole protégée.
- Viry, Valleiry, Vulbens, Chevrier
La nouvelle ville se développe ponctuellement, habitat
pavillonnaire et contigu, autour des cadres bâtis d'origine
(ex-villages).
- Collonges, Farges, Logras, Péron, Saint-Jean-de-Gonville,
Thoiry, Allemogne, Sergy
La nouvelle ville linéaire au pied du Jura. Une ligne d'habitat
pavillonnaire, une ligne de chemin de fer en attente, une ligne
routière 2 x 2 voies avec échangeurs (D.884), une ligne
de commerces et d'activités.
- Crozet
Sur 35 hectares, une base de loisirs avec tennis, practice de golf,
héliport et lac pour ski nautique. Les loisirs haut-de-gamme
dans la nouvelle ville.
- D.35, près de la borne frontière 39
Au milieu d'un (futur) parc urbain entre l'ancienne ville (Meyrin) et
la nouvelle (Ferney-Voltaire) à proximité de
l'aéroport.
- Le pays de Gex, Prévessin-Moëns et environs
La nouvelle ville en « taches de léopard ».
- Bois-Chatton, Versonnex
Un ensemble d'habitat pavillonnaire contigu des années '60 dans
la nouvelle ville.
- Collex-Bossy
L'ancienne ville se développe aussi ponctuellement autour des
cadres bâtis d'origine.
- Divonne-les-Bains
Au bord d'un (futur) parc urbain, un arrondissement de la nouvelle
ville pour les curistes et les joueurs. Casino, hippodrome, lac
artificiel, centre de rencontre.
4.3 LE RAIL
La ligne du pied du Jura n'est pas électrifiée.
- Nyon-Eysins-Divonne
Liaison en fonction jusqu'à Eysins et traces jusqu'à
l'entrée de Divonne.
- Divonne
Diverses opérations de constructions se sont
érigées sur le tracé et empêchent sa
reconstitution. Nécessité de projeter un nouveau
tracé.
- Divonne-Chevry
Tronçons existant à l'abandon. La
végétation a repris le dessus mais les voies sont
visibles.
- Chevry-Sergy-Peron-Farges-Collonge-Bellegarde
Tronçon utilisé 2 fois par jour pour le transport des
ordures et deux fois par semaine pour des matériaux de
construction depuis la gare de Crozet.
- Bellegarde-sur-Valserine
Interface entre différentes lignes. Construction d'une gare TGV
en liaison avec la réaffectation de la ligne des Carpates.
- Cornavin-Bellegarde
Ligne au départ du quai fançais, reprenant le
tracé PLM inauguré en 1858, électrifiée en
1500V continu (les TGV arrivant à Cornavin sont bi-courants, le
passage au 25kV 50Hz se faisant à Mâcon). Cette ligne est
séparée des lignes CFF allant à l'aéroport
et fait un saut de mouton sous la couverture de Sain-Jean. Les
arrêts intermédiaires, desservis par le RER, sont aux
nombre de sept. Les ouvrages d'art les plus importants sont le tunnel
du Credo et le viaduc de la Valserine à l'entrée de
Bellegarde.
- Bellegarde-Annemasse-Evian
Ligne du Chablais, construite en 1880-1889, électrifiée
en 1971-1972 en 25kV 50Hz. A noter que c'est sur le viaduc de Longeray
sur le Rhône, dynamité en 1940 par l'armée
française et reconstruit en béton armé de 1941
à 1943, que le changement de courant s'opère, passant de
1500V continu au courant mentionné plus haut. A l'origine huit
arrêts intermédiaires étaient prévus, dont
seuls ceux de Valleiry et de Saint-Julien en Genevois restent ouverts
au trafic voyageur actuellement.
En 1882 la ligne arriva à Evian. La frontière fut
franchie en 1986 pour atteindre la gare du Bouveret. Entre Annemasse et
Evian, la ligne comprend sept arrêts intermédiaires, dont
deux ne sont plus en activité.
- Annemasse-Eaux-Vives
Ligne de 6 km, construite en 1888, électrifiée en 1986 en
25kV 50Hz. Deux arrêts intermédiaires, Ambilly et
Chêne-Bourg, ce dernier étant fermé au trafic
voyageur. Ce secteur fait partie du projet CEVA devant relier
Cornavin-La Praille-Champel-Eaux-Vives-Annemasse.
26.9.2008
Ce texte a été rédigé par Philippe Brun, Louis
Cornut et Daniel Marco, membres du Groupe « Genève cinq cents
mètres de ville en plus ».
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